Christian Boltanski

Faire son Temps, Christian Boltanski : Centre Pompidou, Paris

Installation view : Christian Boltanski – Faire son Temps, Centre Pompidou, Paris, 2019 © Christian Boltanski / ADAGP, Paris, 2019 photo credit Centre Pompidou_Philippe Migeat
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Faire son Temps

En quelque cinquante œuvres rythmant le parcours de Christian Boltanski, cette ample traversée de l’œuvre d’une des plus grandes figures de la création de notre temps permet d’en mesurer l’ampleur et l’ambition marquées par son histoire personnelle et un demi-siècle de méditations sur la fonction et la parole de l’artiste dans nos sociétés.

Trente-cinq années se sont écoulées depuis la première exposition de Christian Boltanski au Centre Pompidou. Trente-cinq années qui ont vu l’œuvre se métamorphoser au cours des années 1980, lorsque l’artiste, délaissant le goût des archives et des inventaires qui l’avaient fait connaître comme l’une des figures majeures d’un art de la mémoire, commença de développer en de vastes installations et dispositifs, une œuvre en forme de leçons de ténèbres et de méditation sur la mort.
De ce passage entre « petites formes » et « grandes formes », « Faire son temps » veut ici rendre compte. Conçue par Boltanski lui-même comme une vaste déambulation au cœur de son œuvre, l’exposition se veut moins une rétrospective qu’une suite de séquences marquant les étapes et les métamorphoses de son propos. Ainsi des premières salles qui rappellent comment Boltanski, en autodidacte, conçut ses pièces fondatrices, à partir d’une réflexion sur la photographie et toutes formes de bricolage et reconstitutions touchant à l’enfance et au passé de tout être humain. Ainsi des installations fragiles composant des Théâtres d’ombres teintés de merveilleux et d’un attachement qui ne se démentira plus pour les arts de la scène. Ainsi des vastes environnements aux lumières chancelantes offrant à découvrir dans la pénombre de salles éclairées par les œuvres elles-mêmes, une réflexion en forme de recueillement sur la disparition dans l’anonymat comme sur les traces les plus fugaces qui soient.
Car, archéologue de sa propre histoire comme de celle de tout un chacun, Boltanski s’est au fil d’un demi-siècle de créations, métamorphosé en « mythologue ». Du récit de l’enfance à celui des contes et légendes qu’il découvre et réinvente aujourd’hui jusqu’au bout du monde, Boltanski a cherché à se défaire de lui-même pour se confondre à l’histoire des hommes. Vaste entreprise s’il en est, qui le conduit toujours plus loin, à la recherche non pas du temps perdu mais de terres inconnues, riches de récits qui se perdent dans la nuit des temps.
Christian Boltanski ne part plus désormais sur les seules traces réelles et fictives de sa propre vie. Il ne se décrit plus, pas plus qu’il ne cherche à faire l’inventaire ou le portrait d’un être en particulier. « Écrire, dit magnifiquement Maurice Blanchot, c’est se livrer au risque de l’absence de temps où règne le recommencement éternel. C’est passer du Je au Il, de sorte que ce qui m’arrive n’arrive à personne, est anonyme par le fait que cela me concerne, se répète dans un éparpillement éternel. »

Pour concevoir ce parcours mêlant toutes les formes et supports qui font son esthétique et font de l’exposition elle-même une œuvre en soi, Christian Boltanski aura voulu réunir certaines des pièces les plus emblématiques de son histoire : des Vitrines de références à L’Album de la famille D, des Habits de François C aux Reliquaires, des Théâtres d’ombres aux Monuments, des Réserves aux Tombeaux, du Cœur battant de Teshima aux âmes des morts d’Animitas, des Autels aux fantômes de Misterios, le parcours propose un « passé recomposé » dans lequel on ne pourra que songer en écho au beau texte d’Arlette Farge, sensible aux « vies fragiles » qui, dans Le Goût de l’archive, publié en 1989 avertit: « On ne ressuscite pas les vies échouées en archive. Ce n’est pas une raison pour les faire mourir une deuxième fois. L’espace est étroit pour élaborer un récit qui ne les annule ni ne les dissolve, qui les garde disponibles à ce qu’un jour, et ailleurs, une autre narration soit faite de leur énigmatique présence. »

C’est de cet « espace » que traite l’œuvre de Christian Boltanski. Ici, on comprend que le temps, sous tous ses aspects et les formes qu’il revêt, est son compère. « Départ » et « Arrivée », telles deux enseignes de gare ou d’une fête foraine fatiguée, interpellent le visiteur à l’entrée et à la sortie des méandres de l’exposition, lui rappelant sans doute que l’œuvre aide à permettre le voyage et oublier la destination. Dans cet intervalle, on suggérera ici qu’il appartient à chaque visiteur de savoir prendre et « faire son temps ».

Bernard Blistène, directeur du musée national d’art moderne, Centre Pompidou
Commissaire de l’exposition
In Code couleur n°35, septembre-décembre 2019, p. 20-23